Au-delà d’une simple correspondance avec des évènements climatiques et géologiques exceptionnels, l’anthropocène se caractérise par des évolutions observables à travers de multiples paramètres d’analyse.
Publiés dans le livre Global Change and the Earth System : A Planet Under Pressure, dirigé par W. Steffen[1], un ensemble de graphiques présentent des caractéristiques concomitantes du début de la période Anthropocène telle que définie par les scientifiques jusqu’à nos jours. Ces graphiques montrent tous des fortes hausses des objets analysés, depuis 1800 jusqu’à nos jours, avec une très forte accélération dans les années 1950. Ces analyses recoupent différents domaines et montrent leur évolution dans le temps : la population mondiale, les richesses, la consommation, les flux de personnes et les réseaux, la qualité de l’air et de l’eau, le climat ou encore la biodiversité. La période caractérisée par les plus fortes hausses correspond au développement de l’espace mondialisé facilité par la révolution industrielle. Ainsi, nous observons que la population mondiale a été multipliée par six depuis 1800. Cette hausse est en partie expliquée par le fort développement des populations urbaines au détriment des zones rurales de plus en plus délaissées. Ce développement urbain a nécessité la mise en place de mesures de contrôle de la nature : forte augmentation du nombre de barrages, utilisation exponentielle d’engrais. Nous sommes entrés dans la société de consommation, et le consommateur est un consommateur de masse de produits industrialisés et mondialisés : la firme McDonald a considérablement étendu son empire depuis 1950, passant de 5000 établissements dans les années 1960 à plus de 30 000 dans les années 2000. Les villes et l’économie de marché nécessitant de nombreuses mises en relations, ont également provoqué une forte augmentation des moyens de transport, des véhicules particuliers notamment et du tourisme. Les réseaux immatériels comme la téléphonie se sont également fortement développé. Il serait intéressant d’observer le déploiement d’internet depuis les années 2000. Ce dernier se faisant également dans un rapport de fracture villes – campagnes. Cet important développement de l’urbain mondialisé n’est pas sans conséquences pour l’environnement. Et en cela réside la caractérisation de l’Anthropocène. En effet, en parallèle de l’essor des activités humaines, des évolutions marquant une dégradation de paramètres environnementaux a été clairement observée. L’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère entraînant la dégradation de la couche d’Ozone est manifeste. Les eaux subissent également une forte hausse du taux de nitrates, causée par l’importante utilisation de fertilisants et engrais. Les graphiques nous montrent également des effets de dérèglement climatiques survenus de manière beaucoup plus fréquente ces deux-cent dernières années. C’est le cas des grandes inondations par exemple, dont la fréquence a triplé en cent cinquante ans. Enfin, l’homme désirant dominer la nature a fini par complètement modifier la biodiversité. En effet, la chute inquiétante de la biodiversité s’accompagne d’un recul important des forêts tropicales, d’un complet bouleversement des écosystèmes marins, ou encore d’un recul des terres non exploitées au profit de terres agricoles ou urbanisées. L’anthropocène, marque une période de course effrénée au progrès. Cette période d’invention éblouissante a aussi fait oublier à l’humain son environnement naturel et les conséquences de l’accroissement continu du mode de vie urbanisé et mondialisé. Cette nouvelle ère représente finalement une volonté de domination de l’homme sur son environnement, emprunt d’une vision occidentale marquée par la domination de la culture sur la nature, fidèle au grand partage anthropologique décrit par Philippe Descola[2]. [1] Voir Figure 1 Le tableau de bord de l’Anthropocène – in igbp.net, W. Steffen (dir.), Global Change and the Earth System : A Planet Under Pressure, New York, Springer 2005, p ; 132 – 133. [2] Descola, Philippe, Par-delà nature et culture, Editions Gallimard, 2005. |